Journées d’études à l’Université libre de Bruxelles, 8 et 9 décembre 2022
Le Bénin est aujourd’hui parmi les pays d’Afrique de l’Ouest connaissant une croissance économique indéniable. Dans une région ouest-africaine où les avancées démocratiques des dernières décennies sont désormais incontestablement mises à l’épreuve, il est aussi l’un des pays à donner à voir une trajectoire de continuité démocratique depuis trois décennies. Dans le même temps, la distribution des fruits de la croissance économique du pays reste à ce jour très inégale. L’arrivée au pouvoir en 2016 du président-entrepreneur Patrice Talon est, par ailleurs, considérée comme marquant une forme de tournant autoritaire par de nombreux observateurs de la vie politique nationale.
Dans ce cadre, ce workshop entend questionner les dynamiques économiques, sociales et politiques du Bénin contemporain à partir de deux axes de réflexion. Le premier aborde la question de l’État et de ses transformations à l’ère des politiques néolibérales des dernières décennies. Depuis le début des années 1990, le Bénin a été considéré comme l’une des démocraties ‘modèles’ de la sous-région. De la décentralisation du début des années 2000 aux réformes et à l’intense activité législative de ces dernières années, ses institutions ont depuis lors connu de nombreuses évolutions. Ce premier axe vise à explorer les multiples logiques au cœur de la fabrique, des discours, mais aussi des perceptions de l’État béninois dans les dernières décennies.
Le second axe propose de s’interroger sur les trajectoires de mobilité et d’immobilité sociales des individus et des groupes dans l’espace social béninois, notamment dans leur articulation à l’Etat et à l’action publique. En effet, les transformations du paysage national dans les dernières décennies, et les nouvelles impulsions politiques des dernières années, n’ont pas profité de la même manière à l’ensemble de la population. Prendre les positions sociales au sérieux, et scruter avec attention les types de ressources que les individus et les groupes s’avèrent ou non capables de mobiliser face aux défis du présent, s’avère ainsi un impératif majeur lorsque l’on se confronte aux dynamiques et aux divisions de la société béninoise contemporaine.
Axe 1 – Les multiples logiques de l’État : transitions politiques, gouvernance et citoyenneté
Le politique et la question de l’État ont constitué un objet central des études africaines depuis plusieurs décennies. Au Bénin, de nombreux travaux ont porté sur la transition démocratique du début des années 1990, sur la fabrique de l’action publique et le travail des fonctionnaires, ou encore sur les évolutions des institutions nationales. De différentes manières, ces travaux soulignent l’existence de logiques différentes, parfois même contradictoires, au cœur de la production et du fonctionnement de l’État – qu’ils abordent la question de la rente, du ‘capital politique’, du pluralisme juridique ou l’existence de normes pratiques à côté des règles officielles. Ce premier axe réunira des communications qui s’intéressent aux différentes moutures du politique, au fonctionnement de ses institutions, ou encore aux représentations et aux attentes des citoyens. Quelles ont été les dynamiques institutionnelles les plus significatives ? La dernière décennie fut caractérisée par de nombreuses réformes dans différents domaines. Dans quel contexte et dans quelles perspectives ces réformes ont-elles été élaborées ? Comment ont-elles été appropriées, et avec quels effets dans l’espace social ? De quelle manière les citoyens – en tant qu’individus ou en tant que professionnels – se saisissent-ils de l’État et de ses institutions ? A travers ces questions, cet axe vise à repenser la place et le rôle de l’État dans la société béninoise contemporaine, alors que les actions de ce dernier se font de plus en plus visibles.
Axe 2 – Trajectoires d’im/mobilités sociales au Bénin
Le Bénin a connu dans les dernières années une croissance économique soutenue. La question de la distribution des fruits de celle-ci, et plus généralement de la distribution des opportunités de mobilité sociale et d’accumulation, reste beaucoup plus floue. Dans les dernières années, l’épreuve de la pandémie, l’élévation du coût de la vie rapportée par bon nombre de Béninois, les politiques urbaines d’aménagement et d’éviction, la nouvelle impulsion donnée à la construction d’infrastructures routières, les redéploiements des politiques rurales, ont constitué autant de transformations des ‘structures d’opportunité’, et potentiellement des ‘chances de vie’, de différentes catégories d’acteurs, pour reprendre des formules chères à Max Weber. Dans un tel contexte, quelles sont les forces sociales à l’œuvre dans les trajectoires d’accumulation, ou au contraire de déclassement et d’exclusion ? Quelles sont les divisions sociales majeures auxquelles se trouvent confrontés les acteurs sociaux ? Quels sont les types de ressources ou de ‘capitaux’ qu’ils mobilisent dans la poursuite de leurs existences sociales ? Le néolibéralisme ‘tel qu’il existe’ au Bénin façonne-t-il un espace social favorable à l’émergence de nouvelles ‘classes moyennes’, avec quels contours, et avec quelles formes d’articulation à l’Etat ? Dans quelle mesure l’éducation reste-t-elle un vecteur de mobilité sociale ? Voilà, parmi d’autres possibles, quelques-unes des questions susceptibles de guider les questionnements de ce second axe thématique.
Programme
Journée 1 – Les multiples logiques de l’État : gouvernance et citoyenneté
9h40 | Andreetta, Sophie & Joël Noret – Introduction |
---|---|
10h | Cousin, Saskia – Politiques touristiques et patrimoniales à l’heure des restitutions |
10h40 | Poncelet, Marc – Les réformes de l’enseignement supérieur au Bénin : un laboratoire de la post-démocratie africaine francophone ? |
11h20 | pause – café |
11h40 | Badou, Agnès – Nouvel agenda et déclassement professionnel et social de la fonction policière à l’aune des dernières réformes du secteur de la sécurité au Bénin |
12h20 | Baxerres, Carine – Mener une politique de coups d’éclats au Bénin ? Comprendre la légalisation récente de l’avortement dans ce pays |
13h | lunch |
14h30 | Sogbossi, Valère – Des palmistes au coton. Les étapes de la transformation économique du Dahomey/Bénin (1960-2021) |
15h10 | Imorou, Abou – Mobilités des enfants, projets familiaux et contestation du monopole étatique de l’éducation légitime au Bénin |
15h50 | pause – café |
16h10 | Andreetta, Sophie – Les auxiliaires de justice face à l’État : Être avocat au Bénin aujourd’hui. |
16h50 | Houssa, Romain – Diversification économique au Bénin : leçons d’un diagnostic institutionnel |
17h30 | Bierschenk, Thomas – Conclusions de la journée |
Journée 2 – Im/mobilités sociales
9h | Awohouedji, Emmanuel – La Rue de l’Espoir au Benin Révélé, entre création d’espaces et im/mobilités sociales |
---|---|
9h40 | Tassi, Sara – ‘Évoluer avec les ancêtres ?’ Relégation, déclassement et réinvestissement des espaces lignagers d’Ajacẹ/Xọgbonú/Porto-Novo (Sud-Bénin) |
10h20 | Noret, Joël – Construction d’un ‘chez soi’, accomplissement et accumulation dans les classes populaires du Bénin méridional |
11h | pause – café |
11h20 | Yedji, Martial – La ville des ‘déguerpis’. Expulsions et précarisation des milieux populaires à Cotonou |
12h | Bertin, Carla – Retourner chez soi pour aller de l’avant. Planter une église et transformer les im/mobilités au village |
12h40 | pause – lunch |
13h40 | Guedou, Maryse – Expériences d’im/mobilités sociales dans les classes populaires rurales du sud du Bénin |
14h20 | Lempereur, Samuel – Post-esclavage en démocratie : trajectoires sociales et familiales de descendants d’esclaves au Bénin |
15h | pause – café |
15h20 | Lorin, Jennifer – Le devenir roi au Bénin méridional : « Si un roi doit être riche, il ne doit pas travailler, s’il doit être puissant, il ne doit pas être un prêtre vodun » |
16h | Sambiéni, Emmanuel – La vulnérabilité politique de la mobilité sociale au Bénin entre 2006 et 2022. Biographies d’hommes riches à l’épreuve des alternances politiques |
16h40 | Noret, Joël – Conclusions de la journée |
Appel à contributions
Les propositions de communications d’une page maximum, en français ou en anglais, sont à adresser avant le 10 juillet sous la forme d’un fichier attaché (word, open office ou pdf) à Sophie Andreetta (sandreetta@uliege.be) et Joël Noret (joel.noret@ulb.be). Les journées d’études se tiendront à l’université libre de Bruxelles les 8 et 9 décembre 2022. Afin d’encourager et de faciliter les échanges entre les participants, les auteurs des propositions retenues seront invités à soumettre une version écrite de leur présentation pour le 1er novembre 2022, en vue de leur pré-circulation à l’ensemble des participants en amont des journées. Une intervention dans les frais de transport et/ou d’hébergement des auteurs des propositions retenues sera envisagée, dans la limite des moyens disponibles.
Personnes de contact
- Joël Noret (ULB)
- Sophie Andreetta (ULiège)